KAWAH IJEN - compte rendu

Décembre 2018

Date du départ

14 décembre 2018

 

Lieu

Kawah Ijen - Île de Java (Indonésie)

 

Mes objectifs

Financer des charrettes pour les porteurs de soufres

Venir en aide financièrement aux écoles des porteurs de soufres


Récit

 

 

Après une année sabbatique au niveau de la réalisation de mes projets humanitaires, me voici de retour pour mon ‘’dernier’’ projet planifié depuis 2012 ! Voici ce que j’avais écrit dans mon carnet de route le 12 juin 2011 durant mon tour du monde …

Réveil ce matin à 3h45 … départ à 4h30, 1 heure de route plus tard … nous arrivons à un parking tout à fait banal … nous sommes au pied du volcan de souffre Kawah Ijen à 1850 mètres d’altitude ! Le cratère (Kawah) se trouve à 3 km de marche qu’il faut parcourir sur un chemin-sentier avec une déclivité à certains endroits frisant les 50% ! Nous faisons la grimpette avec quelques porteurs de soufre … portant sur leur épaule une palanche en bambou … tige en bois ou en bambou ici, en l’occurrence en bambou,  placée sur l’épaule pour porter deux paniers également en bambou à chacune des extrémités.

Palanche en bambou
Palanche en bambou

 

 

Après une heure et demi de grimpette, nous arrivons en haut d’un gigantesque cratère, à 2386 mètres d’altitude … quel spectacle ! Un magnifique lac d’eau turquoise se trouve au fond du cratère, environ 300 mètres plus bas … et des fumeroles sortent de ce cratère (ça sent les œufs pourris) …

On observe ces porteurs de soufre avec leur charge allant jusqu’à 90 kg sur l’épaule remontant du fond du cratère jusqu’au sommet du volcan et redescendant ensuite jusqu’au parking avec leur charge sur l’épaule … déjà sans charge l’ascension au sommet est rude, mais là avec près de 90 kg sur l’épaule, je n‘ose même pas imaginer … respect pour ces gens …

Donc tous les matins, les porteurs montent au sommet (3 km), à vide, descendent dans le cratère, chargent leur palanche en bambou de 60 – 90 kg de soufre, remontent en haut du cratère et redescendent au parking … et ça 2 fois par jour pour gagner 200 – 300 CHF par mois … ils commencent leur job vers 5h00 du matin au lever du jour … qui ose me dire que l’esclavage n’existe plus de nos jours !

Même attaqué par les nuages toxique de soufre, ces forcenés ne sont même pas équipés de masques de protection … la majorité des porteurs ont même la cigarette à la bouche ! Je descends avec Sarah, une des deux parisiennes que j’ai rencontré la veille au Mont-Bromo, au fond du cratère et nous devons nous protéger fréquemment avec un foulard des nombreuses attaques de fumeroles qui nous arrive dessus … véritable coup de Cœur de mon tour du monde !


 

17 décembre 2018

5h00 du matin, Wayan notre chauffeur et Made (prononcez Madi) le manager de l’hôtel où je me trouve à Bali prenons la route en direction du volcan Kawah Ijen, Kawah signifiant cratère. Je pars cette fois depuis Bali pour atteindre l’Ijen pour une raison assez simple. Heinz Von Holzen, un Suisse établi à Bali depuis plus de 20 ans possède un hôtel et deux restaurants à Bali. A peu près à la même période que moi, soit vers 2011, Heinz a également découvert le volcan Ijen sur l’île de Java situé à côté de l’île de Bali. Comme moi, il a voulu venir en aide aux porteurs de soufre et a trouvé de l’aide auprès d’un étudiant de l’école d’Ingénieurs de Lucerne afin qu’il développe un « trolley » (charrette) pour aider les porteurs à transporter leurs lourdes charges.

Initialement mon idée avait été de développer un sac à dos afin de répartir la charge sur les 2 épaules et sur le bas du corps. J’en avais parlé à deux voyageurs français, Enora et Remy, rencontrés en décembre 2016 à Muang Ngoi - Laos lors de la réalisation de mon projet de la construction de l’école et du réservoir d’eau dans le village de Huay Bo. Quelques mois plus tard, Enora et Remy s’étaient justement rendu au Kawah Ijen et en avaient parlé avec un porteur de soufre … et selon Supno, justement le porteur en question, un test avait déjà été réalisé avec un sac à dos mais le résultat n’était pas du tout concluant voir même dangereux pour eux ! Dans les déclivités abruptes entre le fond du cratère et le sommet du volcan, la charge du sac tirait le porteur en arrière et il devait se cramponner pour ne pas basculer dans le vide en arrière ! C’est grâce à ces deux voyageurs français que j’ai entendu parler de ces charrettes développées et financées par ce suisse Heinz von Holzen … qui au passage finance également une grande partie de ses projet uniquement par la vente de ses photos.

Quelques mois plus tard et ceci grâce à internet me voici donc dans une voiture avec Made le manager de l’hôtel de Heinz en route pour le Ijen - malheureusement je n’aurai toujours pas eu l’occasion de rencontrer Heinz, actuellement en vacances en Australie, mais ce n’est que partie remise.

Environ 130 kilomètres séparent Nusa Dua, village situé au sud de Kuta-Bali au ferry desservant l’île de Java situé sur l’extrémité ouest de Bali, 130 kilomètres atteint en 4 heures de route … la circulation étant très chargée par endroit.

200 à 300 porteurs de soufre peuvent travailler au Ijen, mais pas forcément « à plein temps », plutôt de manière temporaire. J’apprendrai plus tard, par mon guide Monsieur Im Suarno, que l’on ne trouve sur le volcan et ce quotidiennement qu’une centaine de porteurs ceci afin de faire grimper les prix au kilo du soufre et donc de gagner plus d’argent en une seule journée !

A gauche sur la photo Im Suarno mon guide et à droite Made (Manager de l'hôtel Bumbu Bali)
A gauche sur la photo Im Suarno mon guide et à droite Made (Manager de l'hôtel Bumbu Bali)

 

 

En octobre 2014 le premier prototype de « trolley » (charrette) a été testé par les porteurs de soufre. Il était conçu par Thomas Studer alors étudiant à l’école d’Ingénieurs de Lucerne et réalisé en aluminium avec deux roues de BMX et deux systèmes de freins de vélo actionnés depuis les poignées de direction par deux câbles – frein droite et frein gauche. L’idée de Thomas était que les porteurs portent ces charrettes sur leur dos pour la montée. Cependant, depuis cette date, le prototype a été passablement amélioré en collaboration avec les porteurs de soufre. Premièrement, le coût de l’aluminium étant beaucoup plus cher que l’acier inoxydable (malheureusement plus lourd que la 1ère version car l’acier inoxydable est plus lourd que l’aluminium), la version définitive des charrettes a été conçue et fabriquée en acier inoxydable. Les roues de moto et les freins à tambours ont remplacés les roues de BMX. Ces éléments  sont commandés chez un vendeur de motos, le châssis lui est fabriqué dans une usine spécialisée dans la construction en acier inoxydable (en général fabrication de cuisine pour les restaurants et les hôtels) et le tout assemblé dans un atelier avant d’être transporté au Kawah Ijen. En 2 ans 300 charrettes ont été fabriqué. Aujourd’hui une charrette neuve coûte 3'300'000 Rupies (230 CHF / 200 Euro – Cours du change 12.2018).

 

Vidéo réalisé par Heinz von Holzen sur l'historique des charrettes (vidéo en anglais)

 

Made m’explique également que d’autres associations aident les porteurs, mais plutôt dans le domaine médical où les frais médicaux leurs sont payés en cas de besoin. Il m’explique également qu’il y a, à sa connaissance, 2 à 3 autres volcans du même type sur l’île de Java, mais ces volcans sont moins connus que l’Ijen. Depuis quelques années, l’exploitation du cratère Ijen a été cédée par le gouvernement Indonésien à une compagnie chinoise. Ce soufre est maintenant utilisé dans le domaine cosmétique.

Concernant les écoles, Made m’informe qu’une quarantaine d’enfants de porteurs sont toujours en âge de scolarisation au niveau de l’école élémentaire et pris en charge par l’association de Heinz von Holzen. Le coût annuel pour l’achat du matériel de base obligatoire pour un élève entre 7 et 12 ans se monte à 1'000'000 à 1'500'000 Rupies (70 – 105 CHF / 60 – 90 Euro – cours du change 12.2018). L’écolage est maintenant pris en charge par la collectivité publique.

Une des deux école visité
Une des deux école visité

 

 

Le seul petit hic dans l’histoire, c’est que les écoles sont en vacances depuis vendredi dernier 14 décembre 2018 ! Pourquoi le hic ? J’ai avec moi des dessins réalisés par les classes de la 1H à la 7H des écoles de Mont-Vully, le village où j’habite. Au mois de novembre 2018, j’avais contacté le directeur de cette école et lui avais présenté mon projet d’aide aux écoles des porteurs. Je lui avais demandé s’il serait d’accord de faire participer les élèves de son école à la réalisation de dessins que j’apporterais avec moi aux écoliers du Kawah Ijen, avec comme but de faire de la même chose dans l’autre sens … manque de pot, les 3 écoles sont en vacances depuis 3 jours … C’est lors de notre discussion de préparation de notre voyage avec Madi de dimanche matin 16 décembre 2018, que ce dernier m’a informé que les écoles étaient en vacances mais il a quand même téléphoné à son contact des écoles et lui a expliqué mon vœux de repartir des écoles avec des dessins des élèves … Made ne pouvait rien me promettre …

 

Dessins des écoliers du Mont-Vully :

 

 

Il est maintenant 7h30, voici déjà 2h30 que l’on roule. Petit arrêt café et également lieu de rencontre avec un deuxième Wayan, son épouse et son chauffeur qui nous attendent depuis un petit moment. Ce deuxième Wayan est en fait la personne qui fait le lien entre l’association de Heinz et les porteurs du Kawah Ijen ! Après une petite pause de 15 minutes, nous reprenons la route avec deux voitures et arrivons à 9h00 au débarcadère de Gilimanuk, débarcadère des ferrys pour l’île de Java. Départ du ferry à 9h30 … pour 1 heure de traversée. Quelle vue depuis le ferry sur l’île de Java avec cette aligné de volcans ! Arrivée à 9h30 à Ketapang sur l’île de Java, une heure de décalage horaire avec Bali.

Vue de l'île de Java depuis le ferry provenant de Bali
Vue de l'île de Java depuis le ferry provenant de Bali
Genre de ferry indonésien ...
Genre de ferry indonésien ...

 

 

Ce matin au programme, la visite de deux écoles sur trois où se trouve une partie des 40 élèves âgés entre 7 à 12 ans (école élémentaire), élèves qui sont encore soutenus à ce jour par Heinz. Nous arrivons à 10h30 à première école … grand étonnement de voir une trentaine d’élèves nous attendre à l’école mais qu’est-ce que ça fait plaisir ! Tradition oblige en Indonésie, tous les enfants viennent nous faire un baisemain dès notre sortie du véhicule … Sur les 100 élèves qui sont scolarisés dans cette école répartis dans 6 classes, seuls 12 élèves sont des enfants des porteurs de soufre, dont 3 sont en plus orphelins … Heinz soutient financièrement non seulement ces 12 élèves mais soutient également la rénovation des bâtiments scolaires. Après avoir visité les différentes classes qui viennent d’être rénovées en 2016, distribution de la moitié des dessins préparés par les écoliers du Mont-Vully et explication aux professeurs des thèmes des dessins … nous « relâchons » ensuite les élèves présents et les remercions d’être venus uniquement pour moi ! Les professeurs qui nous expliquent ce qu’il faudrait entreprendre comme nouveaux projets de travaux dans l’établissement et quel type de matériel il faudrait acheter. Leur souhait serait avant toute chose la construction de 5 à 6 nouvelles toilettes car celles existantes sont dans un état absolument pitoyable. Après un succulent repas mangé sur le pouce à la salle des maîtres, repas préparé par ces mêmes professeurs, nous repartons de cette première école et roulons à destination de la 2ème école.

Dès notre arrivée, les enfants se précipitent afin de nous faire le baise-main
Dès notre arrivée, les enfants se précipitent afin de nous faire le baise-main
Une partie des écoliers de la 1ère école remercient infiniment les écoliers du Mont-Vully !!!
Une partie des écoliers de la 1ère école remercient infiniment les écoliers du Mont-Vully !!!

 

 

 

Nous arrivons vers 12h00 à la 2ème école, plus petite que la première que nous avons visité … même rituel du baisemain et … une petite surprise m'attend ! Je suis reçu par une petite danse indonésienne de bienvenue …

 

 

A nouveau, les professeurs ont réussi à faire venir plus de 100 élèves ce matin à l’école et ce malgré le fait qu’ils soient en vacances … chapeau à eux ! Chez nous je ne sais pas si ça aurait été possible de réunir autant d’élève en si peu de temps pendant la période des vacances … Les 200 élèves de cette école sont répartis dans les 6 classes, également école élémentaire allant de de la 1ère à la 6ème. Sur ces 200 élèves seuls 11 sont des enfants des porteurs de soufre mais à nouveau Heinz subvient également à certaines demandes des professeurs. Le dernier projet en date a été la transformation de l’ancien dépotoir-déchèterie à ciel ouvert, situé juste derrière l’école, en un terrain de jeux pour les élèves et de la création d’un petit jardin potager dont s’occuperont les élèves. Les professeurs nous demandent ici qu’ils puissent acquérir des instruments de musique traditionnelle afin que les enfants puissent apprendre à en jouer.

Une partie des écoliers de la 2èmre école remercient infiniment les écoliers du Mont-Vully !!!
Une partie des écoliers de la 2èmre école remercient infiniment les écoliers du Mont-Vully !!!

 

 

 

Nous n’irons pas voir la 3ème école où sont scolarisés 17 enfants des porteurs de soufre, également de la même tranche d’âge, que les deux précédentes écoles. Il y a quelques Heinz avait soutenu une autre école où se trouvaient également des enfants des porteurs de soufre. Cependant, l’argent qu’il avait versé à l’école c’était volatilisé … dès lors il a arrêté de soutenir financièrement cette école …

Nous reprenons ensuite une route de montagne en épingle, route aujourd’hui goudronnée (en 2011 ce n’était qu’une piste à travers la foret), et arrivons au parking au pied du Kawah Ijen vers 13h30 … Incroyable cette différence entre 2011 et 2018 ! En 2011 seules quelques cahuttes en bois étaient construites autour du parking, aujourd’hui se sont des bâtiments en béton qui ont été construit ! Made, lors de notre séance d’avant voyage, m’avait déjà averti : « Attend toi à voir beaucoup de changements à l’Ijen ! Ce n’est plus comme avant ! ». Ils ont même construit et aménagé un emplacement pour les campeurs avec une gigantesque place de parcs … Il avait raison Made, le nombre de voitures et de bus présents sur le parking aujourd’hui est juste incroyable et ce même que nous ne sommes qu’en basse saison. En 2011 on était à peine 25 personnes à gravir le volcan … aujourd’hui ils doivent être en 300 et 500 personnes, de la pure folie.

On me présente Monsieur Im Suarno, 56 ans, porteur de soufre durant 20 ans … et maintenant guide pour les touristes depuis 21 ans … donc a débuté son rude travail de porteur à l’âge de 15 ans ! Il possède également une petite échoppe-restaurant au parking.

Im Suarno 56 ans ... 20 ans de porteur de soufre puis 21 ans de guide ... à donc débuté sa rude carrière àl'âge de 15 ans !
Im Suarno 56 ans ... 20 ans de porteur de soufre puis 21 ans de guide ... à donc débuté sa rude carrière àl'âge de 15 ans !

 

Im Suarno est la personne qui fait le lien, sur place, entre les porteurs et Heinz – via Wayan … vous suivez ? Dès notre arrivée, il nous emmène voir le lieu où les porteurs vont peser et décharger leur marchandise transportée durant la journée. Justement un porteur est entrain de déposer sa marchandise sur la balance … la balance indique 190 kg de soufre ! En moyenne les porteurs arrivent avec un chargement d’environ 150 kg ! Il nous expliquera qu’il a sorti les 190 kg du cratère sur l’épaule en 3 voyages … puis il a concassé ces gros blocs en haut du cratère pour remplir des anciens sacs de riz en toile de 35 kg. Il a ensuite empilé ses sacs rempli de soufre concassé sur sa charrette en les fixant rigidement et a entamé cette vertigineuse descente, même glissante par temps sec à certains endroits, les mains accrochées aux deux poignées de sa charrette et ses doigts sur les deux poignées de frein. Si par malchance il perdrait le contrôle de la charrette … celle-ci irait au mieux s’encastrer dans un petit muret en terre ou dans des biles de bois, au pire elle tomberait dans un ravin …

En discutant avec ce porteur, celui-ci nous informe que le soufre lui a été acheté aujourd’hui à 1’250 Rupies le kg (8,5 centimes suisses / 7,5 centimes d’Euro), donc cette journée lui aura rapporté 16,2 CHF (14,3 Euro) ! Dur labeur pour pas grand-chose … Le prix du kilo de soufre dépend de la demande mais se situe entre 1'250 et 1'500 Rupies soit quelques petits centimes de plus. Les porteurs ont le droit de travailler 6 jours sur 7. A eux de gérer et de savoir les charges qu’ils ont envie de porter durant la journée. En calculant avec une moyenne de 150 kg par jour, cela donne un salaire mensuel d’environ 315 CHF par mois (270 Euro) mais dans des conditions extrêmes de travail.

La descente est terminée pour ce porteur ... après près de 11 heures de rude travail
La descente est terminée pour ce porteur ... après près de 11 heures de rude travail
C'est l'heure du pesage ... 190 kg pour aujourd'hui ! Salaire du jour : 16.20 CHF / 14.30 Euro ...
C'est l'heure du pesage ... 190 kg pour aujourd'hui ! Salaire du jour : 16.20 CHF / 14.30 Euro ...

 

Dans la zone de pesage, j’observe différent type de charrettes, de différentes grandeurs et de différentes couleurs. Im Suarno m’explique que certains porteurs ont pris l’initiative de rallonger et d’élargir leur charrette afin de pouvoir charger plus de sac de 35 kg. Un autre porteur s’affaire à même le sol terreux à une révision mécanique de son système de freinage ...

 

... d’autres porteurs vident leurs sacs de 35 kg sur l’arrière du camion prévu à cet effet. Ce camion ira ensuite déverser sa cargaison dans l’usine de traitement situé à environ 1 heure de route du volcan.

Déchargement des sacs sur le pont du camion
Déchargement des sacs sur le pont du camion

 

 

Je découvre également ce que le tourisme à fait développer au pied du volcan … les taxi-trolleys ! On compte environ 20 taxi-trolley à l’Ijen. Eh oui il fallait bien que d’autres personnes viennent essayer de s’en mettre plein les poches avec certains touristes non respectueux de ces porteurs ! On retrouve également dans ces « chauffeurs de taxi » d’anciens porteurs de soufre qui ont flairé le bon coup et qui ont modifié leur charrette en y ajoutant des coussins moelleux. Comptez 200'000 Rupies (14 CHF / 12 Euro) pour un aller-retour les fesses posées sur une charrette … tiré cette fois par deux « chauffeurs de taxi » et ce uniquement à la force de leurs jambes et de leurs bras. Une seule personne par charrette. In Suarno m’explique que les taxi-trolleys ne sont pas aidé par les associations ! Seuls les porteurs de soufre le sont … heureusement ! Il m’explique également qu’aujourd’hui la production des charrettes a été arrêtée car près de 300 pièces ont déjà été distribuées depuis 2014. Par mesure de sécurité (surtout pour les touristes) les autorités de la région ont décidé de réduire à environ 100 le nombre de porteurs autorisés chaque jour à travailler sur le volcan ! A certains endroits le chemin d’accès est tellement étroit qu’il y a trop de risque d’accident en cas de croisement entre des porteurs redescendant la pente chargé de 150 kg et des touristes peu respectueux qui ne se mettent même pas sur le côté pour les laisser passer. Made m’a expliqué qu’il y a quelques mois, un groupe de touristes ont voulu jouer au taxi-trolley … mais malheureusement n’ont pas réussi à la dompter la charrette à la descente … la charrette a fait une chute de 600 mètres … le touriste sur la charrette y a laissé sa vie !

Aujourd’hui, seules des pièces de rechange pour les charrettes sont distribués aux porteurs, pièces de rechanges que sont les chambres à air et les pneus (qui s’usent très rapidement), les jantes complètes et les systèmes complets de freins à tambour. Sont également distribués aux porteurs, les bottes et les masques de protection.

Nous quittons aujourd’hui le Kawah Ijen sans y être monté et Wayan nous propose de découvrir un autre cratère pas trop loin d’ici, le Kawah Wurung ! En route, petite halte pour découvrir de petites chutes d’eau provenant du lac très acide de l’Ijen … la couleur de l’eau ici est jaune, il est fortement déconseillé de toucher cette eau saumâtre !

Ruisseau provenant du la du Kawah Ijen ... de couleur jaune
Ruisseau provenant du la du Kawah Ijen ... de couleur jaune
Incendie de forêt ... la nature est à nouveau verdoyante
Incendie de forêt ... la nature est à nouveau verdoyante

 

Arrivé au sommet du volcan Wurung, volcan inactif, merveilleuse vue sur le cratère Wurung avec une nature d’une verdure luxuriante. Nous pouvons également voir au loin le cratère de l’Ijen crachant ses fumeroles … impressionnant ! Tout autour de nous le paysage est merveilleux … des volcans à perte de vue …

 

 

La fatigue du voyage commençant à se faire ressentir, nous décidons de rejoindre notre guesthouse non loin de là, l’Arabica homestay. Cette petite pension se trouve dans un petit village musulman à environ 45 minutes de voiture de l’Ijen où une partie des porteurs habitent. Après avoir pris nos chambres, nous allons nous promener à travers une plantation de café et arrivons dans ce village en pleine prière du soir … petit village avec des maisons construites en dur et des d’autres cahuttes en bois … c’est incroyable ce que la nature est verdoyante ici, le sol volcanique doit y être pour beaucoup.

Après un petit soupé bien mérité ... dodo à 19h00 car demain on partira d'ici très très tôt !

Coucher de soleil sur la mosquée
Coucher de soleil sur la mosquée

 

 

 

18 décembre 2018

0h30, 12 degrés, après un petit thé à la guesthouse départ pour l’Ijen ou Monsieur Im Suarno nous attend. Il y a déjà foule ici à 1h00 du matin ! Des bus sont déjà arrivés au parking et déchargent leurs flots de touristes indonésiens ou étrangers. Im Suarno m’a préparé mon masque de protection et ma lampe frontale. Après m’être acquitté du droit d’entrée de 100'000 Rupies pour les étrangers (7.0 CHF / 6.0 Euro) nous débutons vers 1h10 les 3 km de montée en direction du sommet du cratère. Im Suarno et moi prenons notre rythme dans la montée, laissant derrière nous Made et les 4 autres personnes. De toute façon ils ne veulent pas descendre dans le cratère avec nous pour voir les flammes bleues. Durant la montée, nous dépassons de nombreux groupes composés d’une vingtaine de personnes en manque de condition physique.

 

Vers 2h20 nous arrivons enfin en haut du cratère et entamons directement la descente très dangereuse nous conduisant dans le cratère. Nous observons les fameuses flammes bleues au milieu de la nuit ! Des flammes de 5 à 6 mètres de hauteur sortant d’un emplacement dans le cratère … ces flammes bleues sont en fait des émanations de gaz sulfurique brûlant à 600 degrés. Nous croisons également les deux premiers porteurs de soufre remontant très certainement leur premier chargement de la journée sur l’épaule. Pour être franc, j’appréhendais un peu cette descente dans le cratère car je l’avais déjà faite en 2011 de jour et j’avais déjà trouvé le terrain assez dangereux à certains passage et ce de jour … et que cette fois ce serait la même descente mais dans une nuit noire … le tout, en sachant qu’il y a 4 mois et deux jours je passais sur la table d’opération pour me faire suturer le ménisque et après un mois de béquille sans poser le pied j’entamais ma rééducation dans l’espoir de descendre dans le Kawah Ijen 3 mois plus tard. Durant cette descente je me vois obliger de mettre mon masque de protection, les fumeroles sont beaucoup trop agressives ! Evidemment Im Suarno lui n’en met pas et tousse énormément comme la plupart des gens qui ne veulent pas en porter. Nous arrivons parmi les premiers au fond du cratère et pouvons observer dans une nuit noire, illuminé par nos lampes frontales, d’autres porteurs de soufre à l’œuvre, en pleine nuit, leur lampe frontale allumée en train de casser de gros blocs de soufre. Im Suarno discute avec la plupart d’entre eux et j’arrive à deviner ce qu’il leurs dit ! Je suppose qui me présente à ces porteurs comme un futur donateur pour les charrettes et pour les écoles, tout bêtement car les porteurs me lancent une petit « thank you very much » ! Depuis le fond du cratère, en levant la tête, nous pouvons voir un nombre incroyable de petites lumières bougées, ce sont les touristes qui descendent à la queue leu leu au fond du cratère observer les flammes bleues. Durant notre remonté nous entendons parler chinois, indonésien, anglais, allemand, français, russe, hollandais et voyons même que certains porteurs doivent faire de la place, à ces touristes non respectueux qui pensent qu’ils ont la priorité …

4h45 ... le jour se lève sur le cratère
4h45 ... le jour se lève sur le cratère

 

 

Il est déjà 4h00 quand nous arrivons en haut du cratère et attendons environ 45 minutes que la lumière du  jour vienne éclairer les environs. Un paysage absolument merveilleux s’offre à nous mais les fumeroles gâchent quelque peu ce magnifique spectacle. Je n’aurai cette fois ci, malheureusement pas la chance de pouvoir contempler le lac toxique bleu turquoise au fond du cratère, le nuage toxique étant trop dense ! Après avoir pris le temps de contempler ce magnifique paysage et observer quelques porteurs de soufre dans leur dur labeur, nous entamons notre descente et arrivons au pied de l’Ijen vers 6h00 du matin.

La magie de la nature
La magie de la nature
Le lac le plus acide au monde au fond du cratère du Kawah Ijen
Le lac le plus acide au monde au fond du cratère du Kawah Ijen
Des porteurs de soufre attaqués par les fuméroles toxiques
Des porteurs de soufre attaqués par les fuméroles toxiques

 

 

Durant cette descente je vois ce que je n’aurais pas dû voir … une famille de 4 chinois réparti sur 3 charrettes entrain de redescendre la pente ! En les observant, c’est tout juste si je ne me fais pas insulter par eux car je les regarde bizarrement en secouant la tête … ah, ce tourisme de masse.

 

Nous buvons un bon thé chaud à l’échoppe de Im Suarno et discutons plus sérieusement avec Im Suarno, Wayan et Made des besoins que les porteurs ont en ce moment : Il leur faudrait en ce moment 200 paires de bottes, quelques sets de roues complètes de rechange à 1'000'000 Rupies (70 CHF / 60  Euro – cours du change 12.2018), quelques sets complets de freins à 550'000 Rupies (39 CHF / 33  Euro), des sets de chambre à air et de pneus à 250'000 Rupies (18 CHF / 15  Euro).

La cuisine de l'échoppe de Im Surano ...
La cuisine de l'échoppe de Im Surano ...

 

 

Nous repartons du Kawah Ijen et nous arrêtons à un endroit où personne ne peut en général le visiter : l’usine de traitement du soufre, usine appartenant à une compagnie chinoise. Ce n’est rien d’autre qu’un immense couvert en tôle, ouvert de tous les côtés, avec une zone où se trouvent 6 cuves pleines de soufre en fusion chauffées au bois dans des demi-sphères. A côté se trouve un système de filtration et une immense halle au sol carrelé. A l’extérieur des immenses tas de bois qui sera utilisé comme combustible et un gigantesque amoncellement de filtres usagers dont ils n’ont à ce jour toujours pas trouvé le moyen de les recycler ! Ici 4 ouvriers travaillent 12 heures par jour et transforment quotidiennement au minimum 8'000 kilos de soufre à 95-98% de pureté. Ce soufre sera ensuite vendu aux sociétés de cosmétique en Indonésie ou à l’exportation à raison de 10 dollars pour 1'000 kilos de soufre … pas grand-chose !

L'usine de traitement du soufre
L'usine de traitement du soufre

 

 

 

En y repensant, j’ai eu de la chance d’avoir découvert le Kawah Ijen en 2011 alors que très peu de monde le connaissait ! Ça m’avait fait prendre conscience qu’il m’était possible de venir en aide à ces esclaves des temps modernes.

 

Mise à jour : 15.01.2019 

Pour conclure, voici ci-dessous la répartition du montant final de 217'000'000 Rupies (15'150 CHF / 13'460 Euro, cours du change 01.2019) que j'ai versé à l'association de Heinz pour les porteurs de soufre et pour les écoles :

Je lui avais promis au minimum un versement de 175'000'000 Rupies / 12'250 CHF / 10'800 Euro

 

 

Porteurs de soufre :

 

Montant versé : 86'000'000 Rupies (6'000 CHF / 5'330 Euro, cours du change 12.2018) réparti de la sorte :

 

 

 

Rupies

 

 

CHF

 

Euro

200 paires de bottes

20’000’000

1’400

1’200

20 sets de roues complètes

20'000’000

1’400

1’200

20 sets de freins

11’000’000

770

660

50 sets de chambres à air et pneus

12’500’000

875

750

Nouvelles charrettes ou autre

22'500'00

1'555

1'520

 

 

86'000'000

 

 

6’000

 

5330

 

J’aimerais remercier infiniment les généreux donateurs que sont Roland & Claire-Lise, Bernard, Christiane, Yvan & famille, Gaël & famille, Yves, Carole, Michel & famille, Elisabeth & Werner, Restaurant de l’Ours à Sugiez, Viviane, Yvan, Marc & Eliane, Jasmine, Claudia & famille, Siegs & Cathy, Romain, Dominique et à toutes les personnes qui avaient acheté des photos durant mes expositions de 2012 et 2016.

 

 

 

Ecoles :

 

Montant versé : 131'000'000 Rupies (9'150 CHF / 8'130 Euro, cours du change 01.2019) réparti de la sorte :

 

 

 

Rupies

 

 

CHF

 

Euro

Construction de nouvelles toilettes

40’000’000

2’800

2’400

Frais scolaires pour les 21 écoliers âgés de 7 à 9 ans

21'000’000

1’470

1’260

Frais scolaires pour les 19 écoliers âgés de 10 à 12 ans

28’500’000

1’995

1’710

Achats d’instruments et autre achat

41'500'000

2'885

2'760

 

 

131'000'000

 

 

9’150

 

8'130

 

J’aimerais remercier infiniment les généreux donateurs que sont Ruth et la famille Biolley, Rosemarie & Jean, Jean-Luc & famille, Bernard & Marie-Thérèse, la société EMG Electroprocess SA, les écoles du Vully, Marti Arc Jura SA, Daisy, Philippe, Suzanne, Jean-François & famille, Nadia, Jean-Pierre & Mariette, Cédric & famille, Jean-François & famille, Nicolas & famille et à toutes les personnes qui avaient acheté des photos durant mes expositions de 2012 et 2016.

 

 

 

Il est maintenant temps pour moi de profiter de mes vacances bien méritées aux Philippines … très belles fêtes de fin d’année à vous tous !